JAN

12

2024

ALLERGÈNE, BIOACCUMULATION, PERTURBATEUR ENDOCRINIEN : FAIRE LE POINT SUR LES GROS MOTS DE LA SANTÉ ABORDÉ DANS L'ÉVALUATION DE SÉCURITÉ

Cet article définit les qualificatifs de risque que l’on peut retrouver dans une évaluation de sécurité de produit. Il s’agit d’une introduction aux gros mots de la cosmétique et de la santé.

 Difficile de faire le lien entre les ingrédients et les notions d’enjeux de santé publique si on ne sait définir ni l’un ni l’autre sans se munir du règlement (CE) n°1223/2009 relatif aux produits cosmétiques et à toutes ses annexes. 

Comprendre les enjeux de l'évaluation de sécurité des produits

REDÉFINIR LES GROS MOTS POUR COMPRENDRE NOS ÉTIQUETTES

« Il faut apprendre pour connaître, connaître pour comprendre, comprendre pour juger. »
Narada.

Cette citation de Narada est l’illustration parfaite de la démarche que je veux vous faire découvrir : comment peut-on comprendre le risque associé à un produit cosmétique si on ne comprend pas les gros mots qui définissent la sécurité de ces ingrédients ?!

Les notions sont abordées par ordre alphabétique et sont les suivantes : AllergèneAntioxydantBioaccumulationConservateurGénotoxicité,
HépatotoxicitéInnocuitéPerturbateur endocrinienSensibilisant.

Analyses chimiques pour l'évaluation des risques

Voici quelques définitions des notions clés qui sont checkés lors de l’évaluation de sécurité de vos formules. Les termes suivants sont redéfinis en se basant sur les définitions du dictionnaire médical de l’Académie Nationale de Médecine et du dictionnaire sur l’environnement :

 

Un allergène est une substance qui, introduite dans l’organisme, provoque une allergie et les troubles qui y sont associés. L’allergène peut provoquer une allergie directe par contact avec la peau ou les muqueuse, ou être introduit dans l’organisme, soit à travers la barrière cutanée, les muqueuses, ou par ingestion directe. Attention, les allergènes peuvent aussi bien être d’origine synthétique (chimique) que naturel : ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est nécessairement sans risque pour la santé, les plus grands poisons (curare, cigüe, …) sont issus de la nature.

→ L’info en plus : l’homéopathie est une médecine douce née de cette dernière constatation. En effet, son principe repose sur la volonté de soigner le mal par le mal : pour soigner un certain maux, l’homéopathie se sert d’une plante qui a la réputation de déclencher le même type de symptôme. Cependant, vous l’aurez deviné, puisqu’on décrit l’homéopathie comme une médecine douce, c’est que ces plantes possédant une certaine toxicité sont passées par un certain processus de préparation : elles sont très fortement dilués selon des protocoles précis (dilutions décimale Hahnemanienne (DH) ou centisimale Hahnemanienne (CH)).

 

Un antioxydant est une substance pouvant capter et détruire les radicaux libres de l’oxygène comme le radical hydroxyle HO- ou l’anion radicalaire superoxyde 02-. Les radicaux libres se forment naturellement dans notre organisme et sont en partie responsable du vieillissement : plus on vieillit, moins notre organisme est performant dans leur élimination. Les radicaux libres ont une action délétère sur les structures cutanées, d’où le fait que les composés antioxydants soient si prisés dans la fabrication des produits cosmétiques et de soin de la peau.

→ L’info en plus : certains aliments nous permettent de lutter naturellement contre le stress oxydatif (rien à voir avec le stress émotionnel bien sûr, il s’agit là d’une désignation biologique du phénomène de vieillissement oxydatif). Les fruits et légumes riches en vitamines C et colorés en sont un très bon exemple. Consommer des antioxydants est une très bon moyen de prévenir le vieillissement de notre organisme, ou du moins de le soutenir dans ce vieillissement. Ce n’est pas encore le secret de Jouvence et pourtant, certaines études tendent à démontrer le lien entre stress oxydatif et certaines pathologies comme les cardiopathies, certaines formes de cancer, l’arthrite, la cataracte, etc.


La bioaccumulation est le processus décrivant l’accumulation au cours du temps d’une substance utilisée quotidiennement mais en faible concentration. Et comme l’a si bien définit Paracelse, c’est la dose qui fait le poison, ainsi, c’est la bioaccumulation qui rend la substance toxique pour l’organisme. Dans le milieu de la cosmétique, l’exemple le plus parlant est celui de l’intolérance de certains coiffeur à l’ammoniaque utilisé dans de nombreux produits de coiffage en salon (coloration, défrisage, …). En effet, les ayant utilisés de manière quotidienne en salon de coiffure, les coiffeurs sont les premiers à accumuler ces substances dans leur organisme, jusqu’à parfois déclencher une réaction de l’organisme (allergie cutanée, respiratoire, etc).

→ L’info en plus : attention à ne pas tomber dans les allégations commerciales du « sans ammoniaque », n’oubliez pas de contrôler attentivement les étiquettes, car l’ammoniaque aura pu être remplacée par d’autres substances pas forcément jolie jolie.


Un conservateur est une substance bactéricide, bactériostatique et/ou antimycosique permettant de stabiliser et conserver une préparation aqueuse ou contenant une phase aqueuse. Ses activités bactéricide, bactériostatique et/ou antimycosique permettent de limiter la contamination des produits. Les conservateurs doivent être présents en petite quantité dans le produit fini, leur dosage est strictement réglementé et la stabilité du produit est évaluée grâce à différents tests (physico- chimique, microbiologique, …) et selon les bonnes pratiques de fabrication (BPF) cosmétique. La présence de conservateur est obligatoire dès lors que le produit cosmétique en question contient de l’eau (lotions avec phase aqueuse, crèmes type émulsions huile-eau,…), cependant, la réglementation tend vers la recherche d’alternatives à la présence de conservateurs dans les produits contenant de l’eau.

→ L’info en plus : on confond souvent le terme « conservateur » comme définit plus haut et le terme « antioxydant », car tout deux sont souvent associés à la même catégorie, celle des « conservateurs ». Et en effet, ces deux types de produits permettent de conserver plus longtemps un produit cosmétique. Cependant, ils n’ont pas le même mode d’action. Comme expliqué précédemment, le conservateur permet d’inhiber ou ralentir la prolifération des bactéries, alors que l’antioxydant agit plus sur le vieillissement du produit. De ce fait, même si le conservateur ne semble pas de mise dans les produits ne contenant pas de phase aqueuse, l’antioxydant peut permettre d’éviter par exemple le rancissement de certaines préparations huileuses.


Un agent génotoxique est une substance possédant une toxicité sur le génome humain. Non, vous n’aurez pas trois oreilles et six bras en utilisant de telles substances, cependant, un agent génotoxique peut aussi bien être potentiellement cancérogène, que responsable d’une surproduction d’espèces radicalaires de l’oxygène (ces radicaux libres dont on a parlé plus haut, en partie responsable du vieillissement de l’organisme), ou encore mutagène (il peut par exemple être responsable de l’inactivation de certaines enzymes), et si le gène modifié permet la production de vos gamètes (spermatozoïdes et ovules), la mutation (qui peut être aussi bien grave que passer inaperçue) peut même se transmettre à votre descendance.

→ L’info en plus : les enzymes sont comme les ouvrières de notre organisme, il serait complexe d’en définir toutes les missions, la plus simple à visualiser étant encore la digestion. L’amilase commence le travail directement dans notre bouche (raison pour laquelle on dit souvent que bien mâcher facilite la digestion!), puis lipase, cellulase, lactase, et bien d’autre prennent le relais avec chacune des actions plus ou moins spécifiques. La lipase cible les lipides, la cellulase dégrade des fibres végétales, la lactase décompose le lactose en sucre plus facilement assimilable par l’organisme.


Un agent hépatotoxique est une substance possédant une toxicité ciblée sur le foie. Quelque soit la voie d’absorption de cette substance, si elle se retrouve dans le sang, elle circulera dans tout l’organisme, et pourra avoir des effets délétères sur le foie. Souvent, l’hépatotoxicité est médicamenteuse, c’est à dire qu’elle fait suite à la prise d’un médicament, souvent puissant et/ou consommé à trop forte fréquence. Plusieurs études mettent en relation une hépatotoxicité successive à une surconsommation d’aspirine (acide acétylsalicylique) au cours de la vie.

 

L’innocuité d’un produit est sa qualité à n’être pas nuisible. Souvent, on parle d’innocuité sur un produit lorsque celle-ci a été démontrée. On doit obligatoirement avoir testé et démontré l’innocuité d’un produit cosmétique avant sa mise sur le marché. Et les tests qualités (physico-chimique et microbiologique entre autres) sont là pour ça !

 

Un perturbateur endocrinien, comme son nom l’indique, perturbe le fonctionnement interne de l’organisme, et notamment le réseau endocrinien, c’est à dire le réseau des glandes sécrétrices d’hormones. Le problème de ces substances est qu’elles dérèglent complètement notre réseau hormonal, or les hormones servant de messagers chimiques, elles ne peuvent plus délivrer leurs messages pour réguler notre organisme. Ainsi, la croissance, le métabolisme, le développement sexuel, la production de gamètes, et bien d’autres fonctions pourront être touchées par ce dérèglement. Et, comme expliqué dans une précédente définition, puisque cela peut toucher les gamètes, alors ce n’est pas seulement notre organisme qui est touché mais aussi potentiellement celui de nos descendants !

 

Un agent sensibilisant peut provoquer, après une première exposition (inhalation, pénétration cutanée, absorption), une hypersensibilité à ce même agent. Ainsi, une exposition ultérieure au produit pourra provoquer des effets indésirables dû à cette hypersensibilisation. L’huile essentielle de citron est par exemple photosensibilisante du fait même de sa composition naturelle, comprenant des furocoumarines. Il faut donc éviter de s’exposer au soleil après son utilisation, car comme expliqué dans le définition, c’est la présence du soleil qui va réveiller l’agent photosensible et déclencher ses effets indésirables. Cependant nous ne sommes pas tous sensibles de la même façon aux agents sensibilisants, la sensibilisation peut avoir lieu dès les 1ères expositions, ou ne jamais avoir lieu, il convient donc d’être prudent et d’écouter les réactions de son corps.

La sécurité avant tout !

Maintenant que vous êtes familiarisé de ces grandes notions, vous comprenez mieux les enjeux santé & sécurité qui se cachent sous le décryptage de vos formules cosmétiques et l’évaluation de sécurité toxicologique de vos formules. 

Cases de pharmacie avec extraits de plantes

Bibliographie :

A. Botta. Relations entre génotoxicité, mutagénèse et cancérogénèse. Laboratoire de Biogénotoxicologie et Mutagénèse Environnementale, Journées Nationales de Santé au Travail dans le BTP, Annales 28:9-13. 2013.

A.Berson. Hépatotoxicité médicamenteuse par atteinte mitochondriale. Inserm U 481, Hépato-Gastro & Oncologie Digestive, Volume 12 n°3. 2015.

Dictionnaire médical. Académie nationale de médecine, 2016 [en ligne]. http://dictionnaire.academie-medecine.fr/? q=genotoxicite (consultée le 27/04/2018).

Info cancer : Lexique | Cancer Environnement. Unité Cancer, Environnement et Nutrition, 2016 [en ligne]. http://www.cancer-environnement.fr/51-Lexique.ce.aspx?Tab=19#t19 (consultée le 27/04/2018).